EXTRAITS  Vivere Libero (Vivre libre)

Éva :

Lui c’est mon frère, Philippe, mon jumeau, ma seule famille pour ainsi dire… Mon père s’est débiné quand j’avais huit ans et ma mère travaillait, elle n’était pas souvent là quoi… Mon frère pour le coup, il ne se pose pas de questions.  Il est dans l’action ; il est satisfait de son statut d’homme, enfin d’humain je veux dire. Ça ne le dérange pas d’être dans le système. Il a l’impression de le dominer même ; il sait toujours où aller, il est heureux… Il n’hésite jamais trop longtemps pour prendre une décision…  Moi je suis plutôt du genre Anna Karina dans Pierrot le fou de Godard, vous voyez ? « Qu’est-ce que je peux faire, j’sais pas quoi faire !! »
A ma naissance déjà j’étais hésitante, je suis sortie une demi-heure après mon frère, c’est dire !


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Éva :

Mon frère a toujours été devant moi, partout… Sur le trottoir pour aller à l’école, dans ses résultats scolaires, dans sa vie professionnelle, partout je vous dis !  Et contrairement à moi, il a su très jeune ce qu’il voulait faire de sa vie... J’adore parler avec mon frère, même si on est jamais d’accord ; il est tellement différent de moi… Je suis son Yin, il est mon Yang… Mon frère, c’est une boussole inversée qui indique toujours le Sud !


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Éva :

Et puis ça pue dans les églises, moi j’avais besoin d’air frais (elle respire comme on cherche de l’air)  pas de vivre enfermée… Pourtant malgré l’odeur, j’aimais bien le rituel des messes, le théâtre de la religion : le latin, le faste, les costumes, la musique… Le problème avec le rythme Divin, c’est que plus on s’en imprègne, plus on vit ce genre de vie pleinement, plus il finit par étouffer ce que l’on a dans la tête, la musique que l’on a en nous, bien à soi…

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Éva :

Mais construire sa vie comme un film de cinéma, en être acteur et pas seulement spectateur, voilà une bonne idée, je n’y avais pas pensé ! C’est ce jour-là que le miracle a eu lieu. Marcello Mastroianni, LE Marcello Mastroianni du poster m’est apparu comme dans une vision, comme la vierge noire des salles obscures…

Marcello Mastroianni :

- « Alors Eva ?  Tou est prête ? »

Éva :

- « Mais vous-êtes qui ? »

Marcello Mastroianni :

- « Ah non, tou ne me vouvoies pas ! Ma ké c’est moi, Marcello.  Marcello Mastroianni, tou ne me reconnais pas ? On s’est déjà rencontré tou sais, quand tou étais petite ! (…) Écoute Éva, on n’a pas toute la nuit ; tou veux faire quoi de ta vie ?  Tou veux quoi comme film ?

Éva :

- « Je ne sais pas trop, il est où le scénario ? »

Marcello Mastroianni :

- « Le scénario ? Mais tou déconnes, y’en a pas, c’est toi qui l’écrit ton film ! »

Éva :

- « Ah bon ?  Mais on ne m’avait pas dit… Je fais quoi ?  C’est quoi le titre du film ? »

Marcello Mastroianni :

- « Vivere Libero e felice - Vivre Libre et Heureuse ! »  

Éva :

- « Bon, si on veut. Par quoi je commence ? » 

Marcello Mastroianni :

- « Parce que tou veux, C’est ton film je te rappelle !  Essaye des troucs. » 

Éva :

- « Des trucs ? Mais je n’ai pas d’idée… Tu peux m’aider Marcello ? »

Marcello Mastroianni :

- « Ecoute Eva, tou as des échantillons de vies devant toi, Essaye, teste… Tou sauras ce qui te convient. Tou es prête ?  L’audition commence. Mais j’ai oune bonne nouvelle pour toi : tou as déjà le rôle !  Prête pour la première scène ? Moteur eeeettt action. »

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Éva :


Depuis, quand je manque vraiment d’air, je pars faire une randonnée en montagne, seule avec de la musique sympa plein mes écouteurs…  Quand on est en haut et qu’on regarde en bas, on voit tout en petit, comme une maquette. Le village dans la vallée, les gens, ses propres problèmes, tout rétrécit quand on prend de la hauteur, quand on cherche à s’élever…  (elle monte sur un cube)  Me voilà au bord de la falaise. Quel calme, quelle paix !

Je restais là un long moment, offerte…  Pas de vent.  La nature, les forces du cosmos éternelles et puissantes ou que sais-je, ne voulaient pas de moi. Pas de bourrasque violente, mais un vent léger, rafraichissant.  Un courant d’air, une caresse (elle ouvre les yeux, regard vers la fenêtre), la fenêtre est ouverte !!  Quand mes yeux se sont ouverts, je découvrais le monde différemment.  Le ciel, les nuages blancs qui flottaient, les oiseaux, le soleil, même la mouche qui tourbillonnait, tout me semblait beau et calme. Je venais de trouver plénitude et apaisement.  Blancheur, pureté… Félicité et joie de vivre pour employer des grands mots !  Oh, puis je voyais le monde en relief !  Ce jour-là je fus en contact, pour la première fois avec moi, avec la vie, avec l’essentiel… Je ressentais les vibrations de la Terre, comme l’enfant dans sa mère.  J’allais renaitre bientôt, je le pressentais !  Mais je renaitrais en femme épanouie et déterminée. Je suis la Terre-Mère, je la rejoindrai dans son centre, dans son ventre en particules de vie, après ma mort… Plus tard, bien plus tard… (elle sourit)  Moi qui me sentais coupable, découpable, prédécoupée ; j’étais en vie… Heureuse, libre… Voilà, j’avais trouvé un écran blanc pour écrire ma vie, un modèle, une échelle pour m’évader… Pour oser… Pour me dépasser… Pour vivre quoi !